Le cornet

Qu'est-ce qui différencie un cornet d'une trompette ? Facile, me direz vous, on reconnaît d'un coup d'œil la forme plus repliée et compacte du cornet. Eh bien regardez le cornet Conn modèle 28A (1959) ci-contre à droite ...
Historiquement, le cornet à pistons, inventé en 1831, est dérivé du "cornopean" (un cor de postillon, appelé aussi "cornet" dans l'infanterie, en si bémol, muni de pistons Stoelzel), avec une perce conique depuis l'embouchure jusqu'au pavillon, alors que la trompette est issue de l'instrument "naturel" en Fa, à corps cylindrique sur la plus grande partie de sa longueur. D'un point de vue acoustique, la différence est importante puisqu'il faut une partie cylindrique assez longue pour pouvoir émettre un son cuivré. En pratique, il existe ou a existé tous les intermédiaires entre le cornet traditionnel tel que le Besson "Sovereign" ci-contre à gauche et la trompette, puisqu'on trouve aussi des trompettes à perce plus ou moins conique : ainsi, il est presque impossible de distinguer le son d'une trompette Martin Committee de 1940 de celui d'un cornet. Le comble est atteint avec le "cornet" en ut Yamaha 9435 qui est en fait une trompette ! En fait, il y a plus de différence de son entre une trompette à palettes et une trompette à pistons qu'entre celle-ci et un cornet si ces instruments sont joués avec la même embouchure. On vérifie encore une fois que c'est principalement l'embouchure qui détermine le son.
La vraie différence entre la trompette et le cornet est dans le style musical, à la fois dans l'écriture des œuvres pour cornet et dans la façon de les jouer. A l'origine, le cornet s'est imposé en permettant un jeu rapide et souple, à l'opposé de la trompette dédiée à souligner par sa puissance et son timbre les tutti orchestraux, mais au fil des temps, cette spécialisation s'est estompée : dans la musique symphonique de la fin du 19ème siècle, le cornet est employé essentiellement pour ses possibilités chromatiques dans le grave, à une époque où on emploie encore la trompette naturelle, et disparaît dès que la trompette à pistons est acceptée dans l'orchestre. Les premiers cornets, jusqu'au milieu du XXème siècle, étaient fournis avec une branche pour jouer en Sib et une autre pour jouer en La ; certains cornets avaient même un barillet permettant de passer en La sans changer de branche d'embouchure. La musique pour cornet était transposée dans l'une ou l'autre tonalité, celle qui permettait les doigtés les plus faciles, et de nombreuses œuvres symphonique sont encore éditée ainsi, obligeant le cornettiste moderne qui n'a que le ton de Sib à transposer (sauf exception, voir ci-dessous).
Dans le jazz, le remplacement généralisé du cornet par la trompette intervient vers 1926-27, quand se répandent aux États Unis les trompettes en Sib de qualité (Conn a produit sa première trompette en 1910, Bach en 1924), qui offrent une dynamique de jeu supérieure et surtout permettent d'utiliser l'octave au-dessus du contre-ut, alors que le cornet, comme le bugle, est limité dans l'extrême aigu par sa perce conique. Toutefois, c'est en 1927 et 1928 que le légendaire cornettiste Bix Beiderbecke a enregistré ses plus belles plages.
Enfin, on ne peut pas parler du cornet sans rappeler ce qu'il doit à Jean-Baptiste Arban, qui a véritablement créé le style de jeu de cet instrument et est à l'origine de son succès dans la musique légère ou de salon à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

Un cornet pour quoi faire ?
Dans les harmonies et fanfares, le cornet est en régression, la plupart des partitions actuellement éditées ne faisant pas de différence avec la trompette. Par ailleurs, l'utilisation du cornet dans le répertoire symphonique du 19ème siècle n'a plus à mon avis de réelle justification, sauf si on l'associe à la trompette naturelle en Fa, au trombone simple à perce étroite et autres instruments historiques pour reconstituer le son des orchestres de l'époque. Aujourd'hui, ce sont les brass bands qui accueillent la majorité des cornettistes. Cette formation née en Grande Bretagne et qui s'est répandue en Europe du Nord et en Suisse comporte toujours en principe un cornet en mib, huit ou neuf cornets en sib, un bugle mais aucune trompette.
Un cornettiste amateur de bon niveau ou professionnel jouera donc le plus souvent dans un brass-band ou dans un petit ensemble dixieland et essaiera alors d'avoir un son bien typé, avec une embouchure à cuvette profonde et conique et un grain large comme on en trouve chez Denis Wick ou Yamaha.
Le cornet d'étude est l'instrument de début recommandé pour les jeunes enfants parce qu'il offre une bonne réponse et qu'il est plus facile à tenir avec des petits bras, étant plus compact que la trompette. L'embouchure utilisée aura une cuvette de trompette avec une queue de cornet comme c'est le cas chez Bach ou Schilke, et le son sera donc proche de celui de la trompette.

Quel cornet acheter ?
N'étant pas cornettiste, je ne peux donner un avis personnel sur les instruments actuellement sur le marché, que je n'ai pas essayés. A priori, on peut faire confiance aux grandes marques de trompettes, Yamaha, Bach, Courtois, B&S, Selmer etc. Un cornet d'étude de grande marque coûte un peu plus cher qu'une trompette de même gamme, entre 500 et 600 €. Mais pour une utilisation occasionnelle, j'ai acheté un cornet Zeff (fabriqué en Chine) qui pour 400 € environ offre une bonne qualité de fabrication, une justesse sans défaut et un joli son (avec une embouchure Denis Wick ou équivalente). A ce prix, que demander de mieux ?
Pour une utilisation professionnelle, en rappelant que le brass-band est une spécialité anglaise, c'est probablement chez Besson (qui était anglais jusqu'à son rachat récent par Buffet-Crampon) que l'on trouvera le son le plus caractéristique, en particulier avec le fameux Besson Sovereign 928 (environ 2700 €). Le Getzen Eterna a aussi une bonne réputation. Pour le haut de gamme, essayez le Besson 2028 Prestige ou allez voir chez Smith-Watkins à Londres.
Pour ceux qui veulent jouer en orchestre classique (symphonies, opérettes, etc.) sans avoir à transposer à vue d'un demi-ton, il existe un cornet professionnel à commutation Sib-La (en option), le B&S Challenger II modèle Brochon, mis au point avec Thierry Caens (environ 2200 € avec l'option Sib-La).

Si vous avez plus d'information ou des remarques à faire sur cette page, n'hésitez pas à m'écrire ! Mais je ne voudrais pas clore cette page sans évoquer la cornettiste Shaye Cohn, fondatrice et leader de l'orchestre Tuba Skinny, sans doute le meilleur orchestre de jazz traditionnel de la décennie. Shaye Cohn, au départ violoniste et pianiste, a appris tardivement le cornet et le trombone en autodidacte et se révèle au sein de cet orchestre comme une musicienne exceptionnelle tant par son sens de la mélodie et de l'improvisation que de ses arrangements.