Le bugle
Alors
que le cornet est de moins en moins utilisé, le bugle conserve une clientèle
fidèle, tant parmi les jazzmen que dans les harmonies et fanfares. Contrairement
au cornet qui est souvent l'instrument de début des très jeunes
élèves, le bugle est plutôt le résultat d'un choix
réfléchi chez un trompettiste professionnel ou amateur averti
Caractéristiques.
Le bugle ("Flugelhorn" en anglais ou en allemand ; en anglais, "bugle"
désigne un clairon) est un instrument de la famille des saxhorns, généralement en en
Si bémol.
La principale différence entre le bugle et la trompette est sa perce
conique sur toute la longueur de la colonne d'air (sauf les coulisses des
pistons) et le fait que les pistons sont placés près de l'embouchure.
Il en résulte une réponse facile et
rapide, favorisée en outre par une colonne d'air directe, et un son très doux, jamais cuivré.
Dans les arrangements pour harmonie et fanfares, le bugle joue en général
comme la clarinette, profitant de sa vélocité et de sa sonorité
non agressive, mais c'est surtout dans le jazz que le bugle trouve un rôle
de soliste.
Ayant une partie conique sur la majeure partie de sa longueur, le bugle ne
peut jouer aussi haut que la trompette dans l'extrême aigu car les pics
d'impédance
disparaissent pratiquement au dessus du Ré6 ("Mi" écrit
au dessus du "contre ut"). En effet, le pavillon ne peut réfléchir
une vibration dont la demi-longueur d'onde est du même ordre de grandeur que
son diamètre, et par conséquent il ne peut y avoir d'onde stationnaire au
dessus d'une certaine fréquence. Mais ce n'est pas la vocation du bugle car
c'est dans le grave et le médium qu'il déploie ses qualités sonores. Dans
les fanfares, les parties les plus aiguës sont donc jouées par le "petit bugle"
en Mi bémol.
Choisir un bugle.
Comme pour la trompette, on trouve des bugles à perce large ou
à perce étroite, mais l'écart entre perce
étroite (10,5 mm) et perce large (11,7mm) est plus grand que
pour la trompette, d'où une différence de sensations
importante pour le musicien. Le bugle traditionnel, avec un son
velouté et une certaine facilité à jouer dans
l'aigu, est à perce étroite, tandis que la perce large,
égale à celle d'une trompette, permet de jouer plus fort
avec un son plus éclatant. De même que la "Besson Meha" du
début du XXème siècle est l'ancêtre des
trompettes professionnelles modernes, le bugle Couesnon d'avant-guerre
a défini le standard dont s'inspirent les fabrications actuelles
en dehors des pays où dominent les valves rotatives. Sur ce
marché, la domination de Yamaha est nette, avec les
modèles 631 (perce moyenne) et 6310Z (modèle "Bobby Shew"
à perce étroite, une copie du modèle Couesnon
traditionnel). En haut de gamme, Courtois ou Kanstul (tous à
perce étroite) sont les plus souvent cités. Dans tous les
cas, il faut être attentif à la justesse plus encore que
pour la trompette, dans la mesure où le bugle se joue avec
très peu de vibrato et souvent en tutti avec les anches.
Il
existe des bugles à quatre
pistons,
le quatrième baissant de 2 tons 1/2 comme pour la trompette
piccolo ou l'euphonium. Cet instrument permet théoriquement de
descendre la gamme chromatique presque deux octaves plus bas, puisque
le bugle sort le fondamental contrairement à la trompette, mais
au prix de quelques problèmes de justesse. Entre les mains d'un
excellent musicien, cet instrument fait des merveilles : écoutez
Sergei Nakariakov jouer le concerto pour violoncelle
de Haydn (fichier MP3 de 1,1 Mo) avec son bugle Courtois 156 à quatre
pistons ! Le bugle
à quatre pistons Courtois 156 (photo ci contre) est vendu à Paris
3825 €, alors que le Getzen à quatre pistons est à
$2285 chez Ted Brown Music USA.
Si vous êtes bricoleur, vous pouvez ajouter vous même le quatrième piston comme l'a fait le physicien Alain Koster, avec une branche d'embouchure modifiée qui reçoit une extension commandée par une valve rotative ou un piston.
Cette transformation amovible peut être adaptée à n'importe quel bugle sans modification.
Du fait d'un marché plus étroit, le bugle est plus cher
que la trompette à qualité de fabrication
équivalente. Il faut compter de 650 à 800 € pour un
instrument d'étude (Jupiter, Yamaha) et de 1200 à 3000
€ pour un bugle de qualité professionnelle. Mais on commence à trouver des bugles chinois excellents à prix très raisonnable. Quand on se met au bugle, ce n'est pas pour retrouver un son de trompette. On
choisira donc sauf cas particulier un instrument très conique, à perce étroite avec
un pavillon large.
Le bugle est presque toujours en Si bémol, mais on peut trouver (en cherchant bien) un bugle en Ut, par exemple chez ce fabricant alemand qui propose, sur commande, un bugle en Ut à palettes (photo ci-contre, merci à Christophe Truant) pour 3900 €.
Choisir une embouchure de bugle.
Pour obtenir le son caractéristique du bugle, l'embouchure est
plus profonde que pour la trompette, avec une cuvette en V et un grain plus
large, entre 4 et 5 mm au lieu de 3,5 à 4 mm pour la trompette.
Alors que les fabricants ont adopté une norme commune pour le récepteur
d'embouchure des trompettes, le diamètre et la conicité du récepteur
varie d'un fabricant à l'autre pour le bugle ; en particulier en Allemagne,
qu'il soit à pistons ou à palettes, le bugle a le plus souvent
un récepteur conçu pour une embouchure de trompette. Vérifier
avant d'acheter que l'embouchure s'adapte bien à l'instrument : la
queue doit s'enfoncer normalement avec un gap de quelques millimètres
au maximum, et sa conicité doit être exactement celle du récepteur.
En l'absence de standardisation du récepteur d'embouchure, il existe
quatre normes de diamètre et de conicité :
• le standard "américain" (cône Morris large), adopté par Yamaha, Getzen, Benge, Blessing, Holton, anciens Kanstul 1525, Callet,
Zeus et autres fabricants américains sauf Bach, Kanstul et Leblanc ;
• le standard "européen" (cône Morris étroit), adopté par Bach, Courtois,
Selmer, Besson, nouveaux Couesnon, Leblanc (y.c. Sandoval), Kanstul récents (1525, 725, 1025) et autres facteurs européens ;
• le standard Couesnon ancien, adopté aussi par Kanstul pour son modèle
925 et pour le Flip Oakes.
• le standard allemand traditionnel, qui n'est autre que celui de la trompette.
Le choix est en outre moins large que pour la trompette : ainsi, Schilke a un
seul modèle en stock, la 14FL (diamètre intérieur 17,02
mm) au standard américain (autres tailles ou standards sur commande). Bach propose
une gamme assez large (voir le tableau des embouchures de trompette, où
les modèles ayant un équivalent pour le bugle sont signalés
par un astérisque), mais seulement au standard européen. Yamaha propose sa gamme uniquement au standard américain. La gamme Denis
Wick est disponible au standard américain, mais deux modèles
sont proposés aussi au standard européen. Enfin, Stork propose les trois standards, avec des délais de livraison annoncés
de 8 à 12 semaines ...
Sur un bugle allemand, il ne faut surtout pas mettre son embouchure de trompette
habituelle qui donnerait un son criard et des défauts de justesse.
Vous trouverez des embouchures de bugle à queue trompette (en allemand "deutscher
Schaft") chez les fabricants allemands (Bruno
Tilz ou Josef
Klier, par exemple) ; sinon, prenez
une Bach 5V (cuvette conique profonde avec un grain de 4 mm) pour obtenir
le son caractéristique
du bugle.
Pour en savoir plus :
On trouve des conseils détaillés sur le site de Jim
Donaldson.