Version originale en anglais au format PDF ou HTML

Optimisation informatique des cuivres

Wilfried Kausel

University of Music and Performing Arts Vienna, Institut für Wiener Klangstil,
Singerstrasse 26/a, A-1010 Vienna, Autriche
e-mail: kausel@mdw.ac.at

Résumé : l'optimisation informatique des cuivres combine des connaissance dans différents domaines. D'habitude le jeu de ces instruments est décrit en termes musicaux. Des caractéristiques telles que la justesse, la réponse, la capacité d'ajustement de l'accord, le timbre ou l'efficacité doivent d'abord être objectivées et reliées aux propriétés acoustiques qui peuvent être mesurées et correctement prévues par simulation informatique.

On utilise des principes physiques et acoustiques fondamentaux pour modéliser mathématiquement les cuivres et leurs composants. Des algorithmes numériques sont alors appliqués pour calculer les caractéristiques de transmission qui sont reliées aux qualités de jeu.

Avec un modèle mathématique et un algorithme numérique approprié, une stratégie d'optimisation peut être appliquée. En modifiant des paramètres d'optimisation - d'habitude les dimensions géométriques de l'instrument - le programme optimiseur essaye de trouver une solution optimum. Cet optimum est spécifié par l'utilisateur comme une combinaison de propriétés désirables, de préférence déjà exprimées en termes musicaux. La fonction dite cible ou objectif calcule toutes les caractéristiques d'un instrument, en déduit ses propriétés musicales et combine ces résultats de la façon que l'utilisateur a spécifiée en une valeur simple d'une échelle allant de 'très bon' à 'extrêmement mauvais'.. Cette fonction est évaluée après chaque pas d'optimisation pour guider le programme vers une solution parfaite - si c'est possible - ou au moins le meilleur compromis possible.

Ce travail présente une approche réussie de l'optimisation informatique des cuivres. Plusieurs méthodes d'optimisation différentes sont décrites. Toutes sont mises en œuvre dans un programme d'optimisation qui peut être utilisé par les fabricants d'instrument pour améliorer des instruments existants ou en concevoir de nouveaux selon une certaine spécification de jeu. Un des algorithmes d'optimisation est même capable de reconstruire la géométrie complète d'une trompette typique à partir de sa courbe d'impédance. Des expériences futures montreront s'il est possible de mesurer l'impédance d'entrée assez exactement pour appliquer cette méthode pour reconstruire la géométrie d'instruments existants à partir d'une mesure acoustique.

Introduction

L'évaluation de la qualité du son et des propriétés de jeu des instruments de musique est partiellement basée sur des caractéristiques acoustiques objectives, des critères bien définis et mesurables, mais les critères subjectifs, liés aux instrumentistes spécifiques, à leur façon de jouer cet instrument et à leur goût privilégié et musical personnel, sont également importants.
Pour décrire les caractéristiques acoustiques objectives des cuivres, il est nécessaire de définir certaines quantités physiques liées qui peuvent être mesurées et dans une certaine mesure calculées en utilisant des modèles mathématiques. Pour le son, ces quantités sont d'habitude la pression acoustique, qui oscille périodiquement autour de sa valeur au repos, la pression atmosphérique, et la vitesse du son, qui est une fonction vectorielle périodique, indiquant la vitesse instantanée et la direction d'oscillation des éléments de volume. Ces deux quantités ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, mais sont reliées d'une façon très semblable à la tension et à l'intensité dans un circuit électrique. Dans la correspondance avec l'intensité du courant électrique, qui est l'intégrale de la densité de courant, le débit acoustique est défini comme l'intégrale de la vitesse du son.
Quand on considère une colonne d'air vibrante à l'intérieur d'un tube, la deuxième et la troisième dimension du problème sont très souvent négligées, et seul un problème unidimensionnel est traité. Dans ce cas la pression acoustique devient une fonction scalaire p = f(x, t) comme la vitesse du son v = f(x, t) et le débit acoustique u = a(x) v(x, t). La section du tube est supposée constante dans le temps, mais variant sur la longueur x du tube et une vitesse positive est une vitesse de même direction que l'axe des abscisses positif.
Bien sûr il y a une limite de fréquence pour la validité d'un modèle unidimensionnel. Dès que l'on considère des fréquences ayant des longueurs d'onde pas beaucoup plus grandes que le diamètre du tube, il faut tenir compte aussi de la propagation des ondes dans les deux autres dimensions. L'approximation unidimensionnelle ne permettra pas non plus de prévoir exactement les conditions acoustiques près de l'ouverture du pavillon d'un cuivre où le tube est évasé et émet le son dans l'environnement à trois dimensions.
D'autres aspects qui sont d'habitude négligés par les modèles simples sont les courbures du tube, la vibration des parois et le gradient de température dans un instrument qui est joué par un instrumentiste humain. On tient souvent compte de l'effet de la viscosité de l'air et de l'absorption du son par la paroi du tube parce que ces pertes sont en fait significatives et ne doivent pas être négligées.
La pression et le débit acoustiques en un point quelconque à l'intérieur ou à l'extérieur de l'instrument sont des fonctions périodiques et la loi de superposition linéaire est valable (au moins pour les niveaux du son et les conditions environnementales d'une utilisation musicale habituelle), donc il est commode de faire une transformation de Fourier du domaine du temps vers le domaine des fréquences. Les valeurs instantanées de pression acoustique et de débit acoustique sont perdues, mais on peut alors se concentrer sur leur amplitude et leurs rapports de phase à n'importe quelle fréquence.

Il y a quelques caractéristiques importantes du domaine des fréquences que l'on peut considérer comme un lien entre le monde de l'acousticien et le monde des musiciens. La plus importante est l'impédance acoustique en un point donné d'un champ sonore. C'est une fonction complexe de la fréquence, définie comme le quotient de la pression acoustique et du débit acoustique , les deux étant les transformées de Fourier des fonctions du temps correspondantes, qui ont été décrites ci-dessus. Si cette impédance est mesurée à l'interface entre les lèvres du joueur et l'embouchure de l'instrument, elle est appelée impédance d'entrée acoustique. Elle a une importance primordiale parce qu'elle représente la "charge" vue par l'oscillateur produisant le son - appelons le "oscillateur-lèvres" - constitué par les poumons du musicien, sa cavité buccale, ses lèvres vibrantes et l'embouchure.
Elle représente aussi la réaction de l'instrument qui convertit le spectre de débit acoustique - considéré d'habitude comme la contribution du joueur, appelé spectre d'excitation - en un spectre de pression acoustique qui est alors modulé et propagé à l'auditeur d'abord par l'instrument lui-même et ensuite par l'environnement acoustique du lieu d'exécution.
La fonction de transmission de pression acoustique est définie comme le rapport complexe entre deux fonctions différentes de pression acoustique, l'une d'habitude mesurée à un emplacement d'observation près de la sortie ou même à l'extérieur de l'instrument, tandis que l'autre est souvent prise quelque part dans l'embouchure d'où provient le son.
Pour que l'oscillateur-lèvre oscille avec une certaine fréquence, il faut un rapport de phase stable entre le débit acoustique et la pression acoustique devant les lèvres du joueur. Cette condition de phase est satisfaite seulement par les ondes stationnaires présentes dans l'instrument. À ces fréquences la valeur de l'impédance d'entrée présentera un maximum marqué. Entre ces pics d'impédance un instrumentiste ne pourra pas facilement produire ou tenir une note. Par ailleur, si un joueur essaye de forcer une note qui ne correspond pas à une de ces résonances il aura tendance à déplacer sa hauteur vers la fréquence de résonance la plus proche de l'instrument. Cela provient de ce qu'une onde stationnaire se développant devant la valve des lèvres a tendance à synchroniser la vibration des lèvres avec sa fréquence propre, ce qui verrouille et stabilise l'oscillation.

Maintenant nous entrons dans le monde des musiciens. En particulier s'ils jouent ensemble dans la section des cuivres d'un orchestre, ils accorderont soigneusement leurs instruments. Quand ils achètent un instrument, ils sont attentifs à obtenir une justesse acceptable de toutes les notes de sa tessiture. Ils comparent aussi la qualité du son d'instruments différents et une caractéristique généralement appelée la "réponse" ou le "centrage" qui semble décrire comment une note donnée peut être aisément attaquée ou tenue. Ils pourraient aussi vérifier si on peut facilement corriger la hauteur en plus ou en moins, qualité parfois désignée comme la "variabilité". C'est une question de technique de jeu, de style de musique et de goût personnel si un joueur recheche ou non cette qualité.
Il ne semble pas trop difficile de relier le terme musical de "justesse" à certaines caractéristiques de la courbe d'impédance d'entrée. C'est souvent fait en déterminant la différence de fréquence entre la position réelle d'un pic d'impédance (ou un zéro de sa phase) et la note correspondante de la gamme tempérée. De toute façon, c'est seulement un aspect des choses parce que quand un musicien joue cette note, des fréquences de résonance plus hautes avec un accord éventuellement différent seront excitées aussi, et la hauteur globale est affectée par le spectre d'excitation, qui est lui-même fortement influencé par l'instrumentiste et par le niveau dynamique de son émission.
La variabilité peut évidemment être reliée au facteur de qualité (ou coefficient de surtension) des résonances, parce qu'un pic d'impédance pointu et haut imposera plus strictement sa fréquence qu'un pic arrondi et faible.
La qualité du son d'un instrument est là encore liée à l'impédance d'entrée, mais aussi à la fonction de transmission de pression acoustique. Elle intègre le spectre d'excitation du joueur et dépend fortement de l'environnement acoustique et de la direction et de la distance de l'auditeur à l'instrument.
D'autres termes musicaux comme la "réponse" ou le "centrage" sont encore plus difficiles à objectiver parce que même les musiciens professionnels sont souvent en désaccord sur la signification de ces termes. De toute façon il y a une caractéristique objective dans la courbe d'impédance, le retard de groupe, qui est lié à la performance de l'oscillateur-lèvre. Une oscillation est sensible tant au gain qu'à la phase de la boucle de réaction, donc la relation fréquence-phase de la charge est en effet un autre facteur contrôlant l'oscillation, son début et son entretien. Il s'avère que cet indicateur semble être en accord acceptable avec les jugements subjectifs.

La courbe d'impédance d'entrée d'un cuivre fournit donc la plupart des paramètres pour l'optimisation informatique du jeu musical selon les spécifications des fabricants d'instrument ou des musiciens. La justesse peut être améliorée en centrant les pics d'impédance aux fréquences désirables. On peut tenir compte du spectre d'excitation typique des instrumentistes en pondérant les harmoniques de rang supérieur d'un fondamental en fonction du niveau dynamique et finalement de la technique de jeu du musicien, et calculer une justesse complète, qui est non seulement basée sur le fondamental joué, mais aussi sur les partiels de rang supérieur, qui contribueront plus ou moins au son émis [12].
En particulier dans le registre inférieur de l'un instrument il y a une différence significative entre la position du pic d'impédance et la hauteur de la note jouée. Des études ont montré qu'il y a un bon accord entre la hauteur d'une note jouée sur l'instrument et la fréquence donnée par la courbe d'impédance d'entrée à condition de tenir compte du spectre d'excitation typique en incluant les fréquences pondérées des résonances supérieures dans le calcul [10] [11] (N.d.T.: voir aussi A.H. Benade : "L'acoustique de la trompette").
La variabilité de certaines notes peut être contrôlée en paramétrant l'optimiseur pour élargir ou rétrécir les pics de résonance correspondants. Finalement, on peut réaliser une forme d'enveloppe d'impédance souhaitée en combinant des objectifs de justesse avec des objectifs d'amplitude absolue ou relative des pics. La forme d'enveloppe combinée avec le retard de groupe aux pics d'impédance a un certain effet sur la réponse de l'instrument aussi bien que sur le timbre du son émis.

Introduction
Modélisation des cuivres
Modèle de ligne de transmission pour l'optimisation
Les différents algorithmes d'optimisation
L'algorithme de Rosenbrock
Représentation de la géométrie de l'instrument
Calcul de l'impédance d'entrée
Objectif de la fonction d'optimisation
Résultats d'optimisations
Références

Traduit en mai 2002 par Joël Eymard pour http://la.trompette.free.fr. Cette étude a été publiée en 1999. Des résultats plus récents ont été publiés par l'auteur dans le "Journal of new Music Research", 2001, Vol 30, No. 1, edité par Marc Leman, publié par Swets & Zeitlinger, Belgique, pp.69-82 et dans "Bore reconstruction from measured acoustical input impedance; equipment, signal processing, algorithms and prerequisites (I)." Stanzial, Domenico (Hg). dans "Proceedings of ISMA '2001 (International Symposium on Musical Acoustics)". Nr. Vol.2. Perugia: Musical and Architectural Acoustics Lab. FSSG-CNR Venezia, 2001. S.373-378.