Version originale en anglais au format PDF ou HTML      Traduit en mai 2002 par Joël Eymard pour http://la.trompette.free.fr

Optimisation informatique des cuivres par Wilfried Kausel (suite)

Résultats d'optimisations

Pour le premier test, une trompette typique a été modifiée localement de façon à perturber ses propriétés acoustiques normales. On a inséré un goulot d'étranglement artificiel près de l'embouchure, au début de la branche d'embouchure, là où les cuivres sont très sensibles aux modifications de géométrie. On a donné comme objectif d'impédance la courbe d'impédance originale de l'instrument à l'optimiseur. Les diamètres de perce au voisinage de la modification ont été les variables d'optimisation choisies pour permettre au programme de corriger le défaut artificiel.


Figure 2 : Trompette avec goulot d'étranglement ; impédance initiale (en rouge) et impédance objectif (en vert)

La figure 2 montre le profil de l'instrument déroulé incluant le goulot d'étranglement avec des échelles différentes sur les axes x et y ajustées pour permettre l'affichage complet dans la fenêtre. Les marqueurs placés le long du profil indiquent les points de contrôle du contour. Les graduations des axes sont associées à l'amplitude de l'impédance d'entrée, les unités sont le Herz et le kilohm.
Ce problème d'optimisation simple a été résolu par tous les algorithmes dans un temps très court. A titre d'exemple la figure 3 montre le résultat d'un algorithme génétique avec développement de population progressif. Huit paramètres de coordonnée (la spécification de géométrie complète de la branche d'embouchure) ont été choisis comme variables d'optimisation. Leur plage de variation a été limitée à ± 10 millimètres en abscisse et à ± 80 % des valeurs initiales du diamètre en ordonnée.

Les paramètres de l'algorithme génétique progressif étaient une taille de population de 100, une probabilité de croisement de 0,6, une probabilité de mutation de 0,1 et le nombre de descendants était de 2. Il a fallu environ 350 calculs de la fonction objectif - en termes d'optimisation génétique : évaluation d'un individu - pour produire le résultat illustré qui améliore la fonction objectif d'environ 36 à environ 11.


Figure 3
: trompette corrigée créée par algorithme génétique (version progressive)

L'algorithme génétique simple avec les mêmes paramètres n'a pas pu améliorer une valeur initiale plutôt bonne trouvée par hasard en plus de 12 générations et en évaluant plus de 1200 individus.
L'algorithme stationnaire, avec toujours les mêmes paramètres et un chevauchement de population de 50 %, a eu besoin d'environ 450 évaluations pour approcher la solution obtenue par l'algorithme progressif.
L'algorithme Deme avec trois populations parallèles et 5 individus pour migrer de chaque génération s'est arrêté après avoir atteint une amélioration acceptable en 450 évaluations. Une nouvelle amélioration a été obtenue beaucoup plus tard après 1300 évaluations.
L'algorithme progressif avec la "cohue déterministe" a bénéficié d'un coup de chance initial. Pendant la phase d'initialisation aléatoire, il a trouvé une bonne solution en 30 tentatives seulement. Il a eu besoin de 500 évaluations supplémentaires pour trouver une nouvelle amélioration.
L'algorithme de Rosenbrock n'a pas eu besoin de plus de 130 calculs de la fonction objectif pour battre le résultat de n'importe quel algorithme génétique et il a pris 120 autres évaluations pour produire un résultat d'optimisation 10 fois meilleur que le meilleur génétique.

De toute façon ces résultats étaient valables et assez encourageants pour lancer un travail vraiment sérieux. Les différents algorithmes devaient maintenant montrer leur capacité à fonctionner avec un grand nombre de variables ; en fait la géométrie complète de l'instrument devait maintenant être soumise à l'optimisation. D'autre part le problème devait être soluble et le résultat optimum être connu. En même temps il fallait prouver même au sceptique qu'il y a un rapport clair entre la courbe d'impédance d'entrée et la géométrie de cet instrument.
Donc le test ultime pour tous les algorithmes était de construire une trompette avec une impédance d'entrée donnée en partant d'un tube étroit muni d'une embouchure standard. On voit cette situation initiale à la Figure 4. Tous les diamètres de perce sur la longueur totale de l'instrument ont été pris comme variable d'optimisation, avec une limite supérieure de variation de deux fois les dimensions d'une trompette moyenne.


Figure 4 : Conception d'une trompette à partir de zéro

Quand une courbe d'impédance mesurée est utilisée comme objectif, on a ce qu'on appelle dans la littérature "le problème inverse" ou "la reconstruction de la perce". Jusqu'ici ce problème inverse n'a été abordé et résolu avec succès que sur la base d'une réponse impulsionnelle mesurée dans le domaine du temps.
Bien que l'on sache qu'une réponse impulsionnelle dans le domaine du temps est mathématiquement l'équivalent exact d'un spectre complexe dans le domaine des fréquences, on n'avait pas encore envisagé d'utiliser la mesure d'un état stable dans le domaine des fréquences comme base d'une reconstruction du profil de perce. La raison est que le système qui est examiné dans ce qu'on appelle la "réflexométrie d'impulsion" [14] [15] et celui qui est mesuré d'habitude par les méthodes du domaine des fréquence ne sont pas complètement identiques.
Dans la "réflexométrie d'impulsion" l'instrument est couplé à une source sonore non réfléchissante. Cela signifie idéalement que le front d'onde plane de l'impulsion de Dirac est guidé dans l'instrument en passant par un tube infiniment long avec une impédance caractéristique qui correspond parfaitement à l'impédance caractéristique de la section circulaire au point d'entrée de l'instrument mesuré. Toutes les réflexions qui sont observées à ce point d'entrée sont donc causées par des variations d'impédance (= des changements de diamètre) dans l'instrument et les réflexions multiples causées par la terminaison au point d'entrée sont évitées.
On le réalise pratiquement en utilisant un tube assez long depuis la source du son pour que les réflexions de l'extrémité où l'impulsion est déclenchée n'atteignent pas le point d'entrée de l'instruments pendant l'intervalle de temps exigé par la mesure. Ce qui est enregistré est la caractéristique transitoire après une impulsion d'excitation d'un système qui était à l'équilibre parfait auparavant.
Dans les mesures du domaine des fréquences l'état stable est mesuré et une source de son réfléchissante est d'habitude directement connectée à l'embouchure. Pour calculer la réponse impulsionnelle d'entrée IIR(ejq), q étant la fréquence discretisée, exigée pour faire la reconstruction de la perce analytiquement, les phases de l'impédance d'entrée Zin(ejq) doivent être connues ou correctement reconstruites et l'impédance caractéristique Z0 de la section efficace couplée doit être déterminée exactement. Par-dessus le marché, la conversion

semble présenter un défi numérique pour obtenir un résultat assez précis en vue de l'algorithme incrémental permettant d'obtenir les dimensions physiques qui est déjà assez sensible.

L'autre solution - utiliser l'optimiseur pour faire correspondre une courbe d'impédance simulée et une courbe mesurée, et reconstrure ainsi la géométrie originale - résout implicitement tous ces problèmes. Elle peut même faire correspondre les phases, s'il s'avère finalement que les phases apportent une information vraiment utile pour la géométrie et elle peut travailler avec des modèles beaucoup plus généraux et précis - incluant même les modes d'oscillation supérieurs et d'autres sortes de pertes. Finalement il semble évident qu'il est bien plus facile de faire des mesures sur un état stable dans le domaine des fréquences avec une bonne précision que des mesures dans le domaine du temps impliquant des impulsions de Dirac idéales et des tubes d'accouplement très longs "sans perte".

Le résultat correspondant, réalisé selon la stratégie de Rosenbrock en permettant un nombre illimité d'évaluations de la fonction objectif (il a pris un long week-end sur un Pentium 3 à 500 MHz) est présenté à la figure 5. Détail intéressant, même avec un ajustement presque parfait de l'impédance obtenue sur l'impédance cible, il reste des ondulations visibles près de l'extrémité du pavillon. C'est certainement plus qu'une simple coïncidence si la méthode directe de Sharp et Amir de reconstruction de la perce à partir de réponses impulsionnelles mesurées cesse aussi quelque part dans le pavillon de produire des coordonnées précises.


Figure 5: La trompette créée par l'algorithme de Rosenbrock

D'abord, c'est la région où tout les modèles unidimensionnels cessent d'être valides. Deuxièmement, les mesures - et même les simulations - de réflexions faibles venant de l'extrémité éloignée, atténuée par les pertes modelisées ou non modelisées sont certainement affectées d'un peu de bruit, réel ou numérique. Le modèle de ligne de transmission multiplie le vecteur d'impédance terminal par environ cent matrices de transmission partielle pour obtenir l'impédance d'entrée. Il semble que la contribution des matrices les plus proches de l'embouchure soit plus précise ou simplement plus significative.


Figure 6 : La trompette créée par l'algorithme génétique stationnaire

Malheureusement les résultats des algorithmes génétiques ont été tous vraiment inférieurs. On voit le meilleur sur la figure 6. Pour faire des algorithmes génétiques capables de rivaliser, il faufrait redéfinir complètement la représentation géométrique de l'instrument et sa configuration "génétique".

Le dernier exemple montre comment l'optimiseur traite la co-optimisation des différentes combinaisons de valve d'une trompette réelle. La géométrie principale a été mesurée par David Sharp (David, merci pour cette contribution de valeur!) de l'Université d'Edimbourg en utilisant la méthode publiée dans [14] . Le pavillon a été mesuré avec un pied à coulisse.

La figure 7 montre comment la longueur acoustique réelle est modifiée par les valves. L'action d'une valve baisse toutes les notes jouables de un, deux ou trois demi-tons, par insertion d'un tube supplémentaire dans le trajet du son, qui l'allonge dans la proportion adéquate - environ 6 % par demi-ton. Une combinaison de valves, ajoutant par exemple 6 % et 12.36 % (1,06² = 1,1236) de la longueur originale ajoutera au total 18.36 %. C'est moins que 19.1 % (1,063 = 1,191) qui serait exigé pour baisser la note correctement de trois demi-tons. Donc une valve séparée est utilisée pour baisser de cette valeur.


Figure 7 : Géométrie d'une trompette en Sib correspondant à toutes les combinaisons de valves possibles

Cela ne signifie pas que les combinaisons de valves ne sont pas utilisées par les trompettistes. Quelques notes peuvent être obtenues seulement en combinant deux ou même trois valves, bien que la hauteur doive être corrigée par une coulisse mobile ou avec les lèvres. L'optimiseur a alors été utilisé pour optimiser la justesse de toutes les notes jouables pour obtenir une justesse globale qui soit le meilleur compromis possible incluant toutes les combinaisons de valves

La figure 8 montre les écarts de justesse de toutes les notes jouables, mesurés en cents, avant une optimisation complète de la justesse. La base du calcul de la justesse est la gamme à tempérament égal, qui divise une octave en douze demi-tons égaux. Le rapport de fréquence correspondant à l'octave est 1:2, le rapport correspondant à un demi-ton tempéré est donc (soit une différence d'environ 6 %). Chaque demi-ton est divisée en 100 cents, 1 cent représente un rapport de fréquence (environ 578 millionièmes). Un écart de justesse d'environ 10 cents est d'habitude tolérable.


Figure 8 : écarts de justesse de toutes les notes jouables avant optimisation

La figure 9 montre la justesse obtenue après optimisation, qui est bien meilleure et plus équilibrée que ce qu'on trouve d'habitude avec une trompette courante. En particulier les notes les plus basses de chaque combinaison de valves sont fausses sur presque tous les instruments modernes.


Figure 9: écarts de justesse de toutes les notes jouables après optimisation par Rosenbrock


Figure 10 : géométrie obtenue après optimisation complète de la justesse

Pour cette optimisation globale de la justesse, toutes les coordonnées des sections ont été prises comme variables d'optimisation. Aucune contrainte spécifique n'a été mise sur la forme de la courbe d'impédance d'entrée, seule l'optimisation de la justesse a été recherchée.

Il est intéressant de noter que la géométrie résultante (figure 10) ressemble à certains instruments historiques. Y a-t-il un savoir ancien, dont les fabricants d'instrument d'autrefois auraient été dépositaires, qui aurait été perdu pour quelque raison pour être maintenant retrouvé avec l'aide des ordinateurs modernes ?

Introduction
Modélisation des cuivres
Modèle de ligne de transmission pour l'optimisation
Les différents algorithmes d'optimisation
L'algorithme de Rosenbrock
Représentation de la géométrie de l'instrument
Calcul de l'impédance d'entrée
Objectif de la fonction d'optimisation
Résultats d'optimisations
Références