John T. Lynch (2770bytes)

La plus mauvaise trompette du monde


J'ai construit la plus mauvaise trompette du monde. L'idée était de fabriquer un instrument qui aurait des résonances naturelles sans rapport, même lointain, avec une série d'harmoniques, et je crois y être assez bien arrivé. Ma trompette, que j'appellerai la "WW" (world's worst = la pire au monde, NdT), consiste en une boîte de café Maxwell House de 39 oz avec deux trous percés dans le fond. J'ai soudé le pavillon d'un cornet "Olds Ambassador" dans un des trous et un morceau de tube dans l'autre. Ensuite, j'ai enfilé une branche d'embouchure Bach modèle 25 dans le tube et remplacé le couvercle en plastique sur le dessus de la boîte. Et voilà la WW ! Le son est épouvantable, et si j'attache le tube et le coude du pavillon ensemble, je peux obtenir un son de bidon d'huile en jouant.

Les mesures

Le dispositif expérimental est le même que celui que j'ai utilisé pour les vraies trompettes. La WW était mise en vibration par un petit haut-parleur collé sur le bord d'une embouchure, équipée d'un tube soudé sur un trou percé dans la cuvette auquel j'ai fixé une petit microphone. J'ai également placé un micro Shure BG4 à environ 1 cm du pavillon. J'ai excité le haut-parleur avec un signal sinusoïdal balayant en 10s les fréquences de 100 à 2000 Hz et obtenu le spectre de résonance mesuré par chacun des deux micros en moyennant plusieurs balayages. J'ai essayé de trouver des ratios entiers entre les fréquences de résonance, et le seul que j'aie trouvé est un rapport voisin de 3/2 entre la 3ème et la 2ème résonance. Les résultats sont présentés à la figure 1.

Figure1WW.gif (11k)
Figure 1. La trompette WW !

La courbe du haut montre les résonances mesurées par le niveau de pression acoustique dans la cuvette de l'embouchure. Les flèches indiquent les points les plus proches d'une série de multiples entiers d'un faux fondamental. L'allure générale de la courbe est remarquablement proche de celle d'une vraie trompette. La courbe du bas montre le signal en sortie du pavillon : sans commentaires !

En jouant la WW

J'ai joué ensuite trois notes qui avaient l'air de "sortir" correctement en utilisant une embouchure normale et j'ai enregistré le bruit obtenu en haute résolution. Les trois graphiques suivants montrent le spectre obtenu. Pour les obtenir, j'ai pris la moyenne sur environ une seconde de la partie centrale de chaque note. Si je vous dis que la WW peut produire des transitoires intéressantes à l'attaque d'une note, vous pouvez me croire !
Comme vous le voyez, les principaux pics du spectre sont en relation harmonique avec les notes "jouées", comme il est normal pour tout son périodique, aussi laid soit-il. Les trois notes jouées peuvent être considérées comme les trois premières résonances naturelles de la WW. Il y a malheureusement des pics secondaires (à un niveau d'environ -20 dB) qui n'ont pas de relation harmonique et sont donc apériodiques. Ils doivent provenir des vibrations des parois de la boîte de café. Les résonances naturelles d'une membrane circulaire ne sont pas en relation harmonique ; les fréquences correspondent aux zéros successifs d'une fonction de Bessel. C'est ce qui donne au banjo son son caractéristique. Comme pour une vraie trompette, les résonances naturelles sont à des fréquences plus hautes que les notes jouées.

Figure2WW.gif (12k)
Figure 2. Une note de la WW pour la 2ème résonance naturelle,
correspondant au "do" grave d'une vraie trompette.

Figure3WW.gif (11k)
Figure 2. Une note de la WW pour la 3ème résonance naturelle,
correspondant au "sol" deuxième ligne d'une vraie trompette.

Figure4WW.gif (11k)
Figure 2. Une note de la WW pour la 4ème résonance naturelle,
correspondant au "do" médium d'une vraie trompette.

Conclusions
Il n'y a pas de relation simple entre les fréquences des résonances naturelles d'une trompette. Obtenir des notes justes demande du savoir-faire et de nombreux essais, et il n'est pas surprenant qu'aucune trompette ne soit parfaite. C'est une erreur d'appeler "harmoniques" ou "partiels" les résonances successives d'une trompette. Les harmoniques (et les partiels) sont, à proprement parler, les composantes du spectre de fréquence d'un son et toutes ces composantes sont produites simultanément. On peut faire que les notes jouables soient proches des résonances naturelles, mais ces notes auront des harmoniques sans relation avec aucune résonance naturelle de l'instrument.
Remuez vous, Dave Monette et Cliff Blackburn, la WW est née !
John T. Lynch

All information is © Copyright 2001, John T. Lynch